Juliette Guerin – 100% TASTY

Portrait filmé réalisé par Lam Son Nguyen – Lsnfilms

100% TASTY

Juliette Guerin déploie un travail protéiforme qui conjugue vidéo, photographie, sculpture et installation. Dans ses œuvres, elle utilise comme matière première une multitude d’objets du quotidien issue de la culture populaire. En s’inspirant des codes de la publicité, des réseaux sociaux ou des tutoriels en ligne sur YouTube, elle élabore des mises en scène à la fois étranges et comiques. En 2018, elle réalise notamment une vidéo pour le prix Linossier où des chirurgiens tentent de recréer un gigantesque steak à partir de protéines en poudre pour sportifs. Depuis, elle continue d’explorer les thématiques de l’alimentation industrielle et de l’influence de la publicité sur nos désirs et nos perceptions.

Pour sa première exposition personnelle, Juliette Guerin dévoile sa vaste collection de près de 200 sachets de bonbons et de poudres alimentaires. Depuis 2019, elle glane d’étonnantes friandises, caramels, poudres, épices et sucettes de toutes sortes. Le titre 100% Tasty est lui-même emprunté à un bonbon en forme de hamburger miniature. La notion de collection revêt une importance particulière dans sa pratique artistique. Avant de se tourner vers les bonbons et les poudres, elle collectait des images sur internet, classées selon des catégories évocatrices de notre société consumériste : corps, machines, nourriture. Au-delà de son lien avec l’enfance, elle évoque l’accumulation, les manques et les obsessions absurdes.

Une partie de sa collection est présentée sous forme de photographies et de vidéos sur les murs du centre d’art, tandis que l’intégralité est accessible aux visiteur•ices via une édition mise à leur disposition. La multiplicité de ces images offre une critique aussi stimulante que malaisante de la marchandisation, du capitalisme et de la mondialisation.

Les photographies accrochées au mur reflètent l’esthétique d’une machine à sous, où l’on tente d’aligner des symboles identiques pour gagner le jackpot. Juliette Guerin présente ces objets dans toute leur ambiguïté, questionnant les mécanismes de désir et de dégoût induits par le marketing publicitaire. Ces images oscillent entre la séduction visuelle des emballages et la réalité parfois dérangeante de leur contenu. On observe sur ces images des représentations de billets de banque, oreille, jerrican d’essence, autant d’objets et parties du corps rarement associés à des recettes de cuisine.

Dans son installation vidéo, les bonbons et les poudres alimentaires deviennent les symboles d’un univers dystopique, où la frontière entre ce qui semble attrayant et la réalité dérangeante devient floue. Les spectateur•ices, initialement confronté•es à ce qui semble être une simple démonstration de recette, sont rapidement plongé•es dans une ambiance de film de science-fiction, évoquant l’esthétique étrange et perturbante du cinéaste David Cronenberg.

En explorant la frontière entre réalité et fiction, Juliette Guerin s’approprie les codes de la publicité, des tutoriels en ligne et des vidéos d’unboxing pour mieux les détourner. À travers ces stratagèmes, elle révèle l’absurdité inhérente aux discours commerciaux et aux représentations idéalisées de la consommation. En questionnant notre culture populaire, cette exposition nous plonge dans un univers à la fois savoureux, grinçant et satirique, suscitant à la fois plaisir gustatif et dégoût, où chaque œuvre invite à une réflexion sur les artifices visuels et les techniques de manipulation utilisé•es pour provoquer le désir chez les spectateur•ices.

Émilie d’Ornano

En collaboration avec Studio H13

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Biographie

Née en 1992, Juliette Guerin vit et travaille à Marseille. Elle est diplômée de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon en 2018. En 2019, elle participe à la création de l’association Panthera, collectif et ateliers d’artistes à Marseille. En 2020, elle obtient un certificat de formation de plasticienne intervenante (CFPI) à École supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée et développe un travail de transmission et d’œuvres collectives. Son travail a notamment été présenté au Musée d’art contemporain de Lyon, à la Friche la Belle de Mai à Marseille, à Zebra3 à Bordeaux ou encore à festival Éclats à Bruxelles.

Expo collective – IT’S A TRIPLE DING DONG!

IT’S A TRIPLE DING DONG!

Sacha Collin Rivière, Henri Grandgarçon et Marguerite Rouan

En 2023, KOMMET a lancé le programme d’accompagnement et de professionnalisation KOMM! en partenariat avec l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Lyon. Ce dispositif vise à offrir aux diplômé·es inscrit·es en FCP (formation complémentaire de professionnalisation) une meilleure connaissance et analyse de l’environnement professionnel de l’art contemporain. L’exposition It’s a triple ding dong! est née du désir de poursuivre ces échanges et de se réunir à nouveau, neuf mois après la fin du programme. Ainsi, le centre d’art devient un lieu propice à d’heureuses retrouvailles, évoquant fugacement la maison de famille dans laquelle on partage des moments complices ou de chamailleries. Depuis leur première rencontre à l’école d’art, Sacha Collin Rivière, Henri Grandgarçon et Marguerite Rouan entretiennent une amitié forte et sincère. Dans cette exposition, les artistes témoignent de leur lien indéfectible malgré la distance qui les sépare désormais.

Henri Grandgarçon tisse des récits intimes à partir de 24 tickets de caisse rassemblés entre septembre 2023 et mars 2024. Conservés suite à des achats réalisés dans des supermarchés lors de sorties culturelles ou encore en pharmacie, les tickets deviennent des témoins de moments de vie, des traces tangibles de nos habitudes de consommation. Henri va au-delà du simple récit des achats factuels, il nous entraîne dans une introspection sur ce que ces achats révèlent de nos existences. Progressivement, les récits nous conduisent vers une réflexion plus globale sur l’amour, l’amitié et les moments d’isolement, transformant ainsi l’achat matérialisé par le ticket de caisse, en un souvenir chargé d’émotions et de significations multiples.

Inspirée par l’esthétique camp[1], Marguerite Rouan entremêle dans cette exposition ses propres photographies avec des images puisées dans la culture populaire. Après avoir quitté l’appartement qu’elle partageait avec Henri, elle débute cette série à partir d’un poème qu’elle lui dédie. Ce logement est devenu le symbole d’une intimité partagée par le trio, où chaque objet, chaque pièce raconte une part de leur histoire commune. Son travail évoque de vrais et faux souvenirs, entre les aspirations et les fantasmes que l’on peut projeter sur une relation. Chaque image est soigneusement sélectionnée, méticuleusement maquillée, puis protégée par un vernis, dans l’espoir de figer et de rendre intact ces souvenirs. Marguerite pose un regard tendre et teinté d’humour sur les relations et la manière dont elles nous façonnent.

Sacha Collin Rivière convoque une esthétique liée au BTP qui engage étonnement force et fragilité. À travers la présence de ces trois étais sablés, il recrée de nouvelles fondations à KOMMET. Ces piliers permettent au groupe de traverser les défis et les changements, soulignant ainsi l’importance de chaque membre pour la stabilité et l’équilibre de leur lien, tout comme un étai est indispensable à la construction d’une maison. Parmi ces trois objets, deux sont identiques, évoquant la dynamique souvent complexe d’une amitié impliquant plusieurs personnes. Dans cet équilibre instable entre la rigueur de l’objet et la fragilité du sable, se profile une métaphore de la relation humaine. Tout comme le sable qui glisse entre les doigts, les souvenirs et les liens peuvent être fuyants, soumis aux aléas du temps et de la vie.

En exprimant tout l’amour qu’iels se portent mutuellement, le trio aborde de manière intime et sensible les défis liés à leur relation à distance. Iels explorent différentes façons de préserver la trace et le souvenir des moments qui marquent une amitié, offrant ainsi une réflexion touchante sur la construction des liens qui nous unissent mais aussi sur ce qu’il peut en rester au fil du temps.

Émilie d’Ornano

En partenariat avec l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Lyon et le CAP • Centre d’art de Saint-Fons

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Biographies

Né en 1997 à Toulouse, Sacha Collin Rivière vit et travaille à Paris. Il est diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon en 2022. Son travail est notamment présenté au centre d’art la Halle de Pont-en-Royans ou encore publié dans la revue anglaise Odious Rot. Il est actuellement résident de l’atelier ChezKit à Pantin.

Né en 1998, Henri Grandgarçon vit et travaille à Bruxelles. Il est diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon en 2022 et poursuit actuellement la formation « Textes et Création Littéraire » à la Cambre (Bruxelles) dans le cadre de l’écriture de son premier ouvrage personnel. En 2020, il expose à Mimesis (Villeurbanne) et participe à une résidence à Moly-Sabata (Sablons) la même année. En 2023, il bénéficie d’une résidence aux Ateliers Médicis dans le cadre du programme « Création en cours ». En 2022, il co-fonde avec David Pons la revue de poésie Tendre, puis en 2023, il lance le projet musical Rose Garçon avec le producteur Nuage Rose.

Née en 1996 aux Lilas, Marguerite Rouan vit et travaille à Lyon. Elle est diplômée de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon en 2022. Son travail a notamment été présenté à la galerie Héloïse (Paris), à. la galerie Domus (Lyon) et effectue en 2023 une résidence à l’Espace Artaud (Lyon). Elle est actuellement résidente aux ateliers du CAP • centre d’art de Saint-Fons.


[1] L’esthétique camp est un mouvement artistique né dans les milieux underground et queer des années 1960, caractérisé par une appréciation délibérée du kitsch, de l’ironie et de l’extravagance Ce terme a été popularisé par l’essayiste américaine Susan Sontag en 1964 avec son ouvrage intitulé Notes on Camp.

Vue d’exposition des artistes Henri Chanut, Sacha Collin-Rivière et Marguerite Rouan.
Crédit photo : Sacha Collin-Rivière
Vue d’exposition des artistes Henri Chanut, Sacha Collin-Rivière et Marguerite Rouan.
Crédit photo : Sacha Collin-Rivière
Vue d’exposition de l’artiste Henri Chanut
Crédit photo : Sacha Collin-Rivière
Vue d’exposition de l’artiste Sacha Collin-Rivière
Crédit photo : Sacha Collin-Rivière
Vue d’exposition des artistes Henri Chanut, Sacha Collin-Rivière et Marguerite Rouan.
Crédit photo : Sacha Collin-Rivière
Vue d’exposition de l’artiste Sacha Collin-Rivière
Crédit photo : Sacha Collin-Rivière
Vue d’exposition de l’artiste Sacha Collin-Rivière
Crédit photo : Sacha Collin-Rivière
Vue d’exposition de l’artiste Henri Chanut
Crédit photo : Sacha Collin-Rivière

AuchKatzStudio – EXTREME SITTING

Portrait filmé réalisé par Lam Son Nguyen – Lsnfilms

EXTREME SITTING

AuchKatzStudio, formé en 2017 par Elsa Belbacha Lardy et Thomas Thibout, est un duo de plasticien et designer. Leur collaboration vise à déployer des installations immersives où la couleur agit comme un lien entre le solide et le précaire, l’inerte et le vivant. Ensemble, les artistes explorent la perméabilité entre art fonctionnel et design sculptural. Pour ce solo show en deux volets, les spectateur•ice•s sont invité•e•s à ralentir et à prendre le temps d’explorer et d’expérimenter l’exposition à KOMMET et dans le Parking LPA Saint-Antoine.

Le titre de cette double exposition évoque une notion fascinante qui va au-delà de la simple action de s’asseoir. Il suggère une activité qui allie contemplation et immersion en pleine nature. Dans divers articles publiés sur Internet, l’appellation « extreme sitting » est décrite comme un sport où les participants s’assoient dans des lieux extrêmes ou inhabituels, les incitant ainsi à observer et à apprécier la beauté naturelle qui les entoure. Robert Silk, rédacteur en chef du magazine Travel Weekly, a inventé ce néologisme pour présenter cette discipline. En 2020, il l’expérimente notamment dans le désert de Mojave en Californie ainsi qu’en Antarctique.

Dans le premier volet à KOMMET, AuchKatzStudio propose de découvrir un paysage évocateur empreint de légèreté. Des formes, disposées au sol, suscitent l’étonnement par leur aspect trompeur. Initialement perçues comme des blocs massifs et pesants, elles se révèlent être en réalité légères et molles au toucher. Leur apparence énigmatique rappelle un environnement à la fois familier et étranger, semblable tantôt à un glacier, tantôt à un paysage domestique venu d’ailleurs. Leur conception vise également à favoriser l’interaction des visiteur•ice•s avec l’exposition. En esquissant des formes rappelant, par exemple, celles d’un canapé, les artistes aspirent à créer un environnement convivial où les spectateur•ice•s se sentent invités à interagir en touchant et en s’asseyant sur les œuvres. Ainsi, AuchKatzStudio nous invite à nous approprier pleinement l’espace. Suspendue au plafond, la texture souple de l’œuvre crée une illusion de fluidité. Cette combinaison inattendue de caractéristiques malléables, rigides et liquides crée un environnement visuel à la fois fascinant et mystérieux que l’on retrouve également dans le parking Saint-Antoine.

Dans ce second volet, les artistes plongent les visiteur•ice•s dans une nouvelle version souterraine, laissant place une fois encore à une coexistence intrigante et floue entre passé, présent et futur. Les œuvres émanent d’un processus créatif mêlant reproductions d’artefacts antiques et technologies contemporaines. À partir de modélisation 3D issues de bases de données de musées archéologiques, de nouveaux vestiges prennent forme, offrant une spéculation sur un monde disparu ou futur, encore méconnu. Dans cette installation, les artistes ont puisé leur inspiration à la fois dans la Saône, rivière qui longe le parking Saint-Antoine, et dans le processus de fouilles préalable à sa construction lancé en 2015. À travers des objets martelés et des histoires suggérées, une narration complexe se déploie, invitant chacun•e à interpréter et à imaginer les récits derrière chacun de ces artefacts.

Dans cette exposition en deux volets où la réalité se confond avec la fiction, où les lignes temporelles s’entrelacent, AuchKatzStudio propose une expérience où chaque visiteur•ice est invité•e à explorer de multiples interprétations et à élaborer des conjectures. À travers chaque détail, chaque texture, chaque symbole, se dessinent des univers narratifs et contemplatifs où s’entremêlent énigmes temporelles.

Émilie d’Ornano

En partenariat avec le parking Saint-Antoine LPA

Biographie

Né•es en 1993, Elsa Belbacha Lardy et Thomas Thibout vivent et travaillent à Reims. Elsa Belbacha-Lardy est diplômée de L’ENSA de la Villa Arson en juin 2019, tandis que Thomas Thibout est diplômé de l’ENSBA Lyon en juin 2020. En 2017, iels fondent ensemble AuchKatzStudio. Leur travail a été exposé à Chapelle XIV (Paris), à la Design Week 2023 (Stockholm) à l’espace Vanderboght (Bruxelles) ou encore à la foire ART-O-RAMA (Marseille).

Vue d’exposition des artistes AuchKatzStudio au parking LPA. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue d’exposition des artistes AuchKatzStudio au parking LPA. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue d’exposition des artistes AuchKatzStudio au parking LPA. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue d’exposition des artistes AuchKatzStudio au parking LPA. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue d’exposition des artistes AuchKatzStudio au parking LPA. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue d’exposition des artistes AuchKatzStudio à KOMMET. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue d’exposition des artistes AuchKatzStudio à KOMMET. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue d’exposition des artistes AuchKatzStudio à KOMMET. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue d’exposition des artistes AuchKatzStudio à KOMMET. Crédit photo : Lucas Zambon

Expo collective – RELIQUES SENTIMENTALES – 5 ans de KOMMET

✹ Exposition Reliques sentimentales

Du 9 au 17 février 2024, l’exposition Reliques sentimentales a permis d’offrir aux visiteur•ice•s l’opportunité de (re)découvrir et de porter un nouveau regard sur la programmation du centre d’art, le tout dans un dispositif de monstration inédit. Ces œuvres – certaines ayant été exposées à KOMMET – sont les témoins des cinq années d’activité et des liens qui se sont tissés avec les artistes.

Artistes présenté•es :

Alexandre Caretti
Johanna Cartier
Dounia Chemsseddoha
Cyprien Desrez
Rémy Drouard
Damien Fragnon
Lisa Hoffmann
Hélène Hulak
Blanche et Louise Lafarge
Harold Lechien
Guillaume Lo Monaco
Aurore-Caroline Marty
Mélissa Mariller
Florence Schmitt
Solarium Tournant x HHH
Louise Porte
Laura Pouppeville
Simon Lazarus
Léa Bouttier
Marine Zonca

Exposition soutenue par ATC Groupe

  • Commissariat Émilie d’Ornano
  • Scénographie Bella Bates
  • Scénographe lumière Mathilde Camoin

En partenariat avec l’école de design graphique ECV Paris, les étudiant•e•s ont été invité•e•s à se plonger dans les archives de KOMMET afin de concevoir une série d’affiches retraçant l’histoire du lieu. Le résultat a été visible sur les vitrines pendant le montage de l’exposition du 4 au 7 février 2024.

✹ Lancement du catalogue 2 x 7 + 3 x 14 = 5

L’ouvrage intitulé 2 x 7 + 3 x 14 = 5 permet à KOMMET de célébrer ces 5 premières années d’existence. Depuis 2019, le centre d’art mène de nombreux projets d’expositions, organise, accueille des évènements et développe de nombreuses actions en faveur des publics.

Ce catalogue rétrospectif compile 5 années d’activités foisonnantes !

Lien pour commander le catalogue

Conception graphique Guerillagrafik

Informations

  • NB : la jaquette et les stickers sont exclusifs à cette première édition
  • Couverture souple avec jaquette découpée
  • Nombre de pages : 228
  • 1 planche de stickers par édition (2 versions possibles)
  • Dimensions : 150 x 230 mm
  • Nombre d’exemplaires : 200
  • Langue : français
Vue de l’exposition collective Reliques sentimentales. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue de l’exposition collective Reliques sentimentales. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue de l’exposition collective Reliques sentimentales. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue du catalogue anniversaire 2 x 7 + 3 x 14 = 5. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue du centre d’art KOMMET lors des 5 ans. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue du centre d’art KOMMET lors des 5 ans. Crédit photo : Lucas Zambon
Réalisation d’affiches par les étudiant•es de l’ECV Paris pendant le montage de l’exposition. Crédit photo : Lucas Zambon

Jean-François Krebs – TRANS*-ANÉTHOL

Portrait filmé réalisé par Lam Son Nguyen – Lsnfilms

TRANS*-ANÉTHOL

Lors de recherches effectuées sur Internet, l’utilisation de l’astérisque élargit la requête en incluant des termes connexes et en laissant place à une exploration plus étendue. Comme un clin d’œil, l’astérisque déploie sa présence de manière double : non seulement dans le titre Trans*-anéthol, mais également à travers la manifestation tangible de ces anis étoilés dans l’espace d’exposition. Le trans-anéthol est un composé chimique aromatique qui confère à l’anis étoilé son arôme et son odeur caractéristique. Il est également présent dans d’autres plantes comme l’aneth et le fenouil. Cette molécule a des propriétés intéressantes qui lui permettent d’être utilisée en parfumerie, en cuisine, en médecine traditionnelle et même dans certains procédés photographiques.

À travers une expérience visuelle, olfactive et sonore, Jean-François Krebs engage une réflexion sur la possibilité d’une fusion entre l’humain et le règne végétal. L’artiste transcende les définitions rigides, ouvrant ainsi un espace où l’on envisage les potentialités d’un avenir fluide, imprégné de liquidité. Les œuvres en verre, présentes à KOMMET, concrétisent la capacité fascinante de ce matériau à couler et à se déplacer librement, une particularité qui reste palpable même dans son état solide. Cette exposition offre une opportunité de remettre en question les certitudes mais aussi d’explorer la beauté des métamorphoses et de l’hybridité.

Jean-François Krebs crée un dialogue subtil entre les œuvres, invitant les spectateur•ice•s à explorer de multiples strates de signification. Les pièces en verre établissent des correspondances visuelles avec les nombreuses vitrines caractéristiques du lieu, permettant à la lumière naturelle de pénétrer l’espace. Les rayons qui embrassent certaines des œuvres les transforment, révélant ainsi de nouvelles dimensions et nuances.

Les pièces en verre, disposées au sol, suggèrent par moments des formes énigmatiques, mêlant des éléments abstraits à des fragments, évoquant à la fois des corps humains, des formes animales ou d’autres choses encore. Par exemple, certaines pourraient évoquer la Diane d’Éphèse, sculpture représentant Artémis, divinité grecque vénérée à travers différentes cultures et époques, qui incarne la fécondité et la puissance de la nature.

À KOMMET, une mystérieuse voix chante le nom de plantes et de molécules en latin, laissant planer le doute quant à savoir s’il s’agit de formules magiques ou non. Les substances récitées ont été choisies car elles peuvent exercer une influence simultanée sur le corps et la conscience, ouvrant la voie à des transformations aussi bien physiques que mentales. Leurs propriétés peuvent être médicinales, psychédéliques, voire mortelles. Dans cet espace de liberté immense, la marginalité des plantes devient le terreau fertile des grandes métamorphoses, où les corps humains et végétaux fusionnent.

La Lame dynamique ascendante est une exploration symbolique et esthétique liée à l’hybridité. La lumière fluorescente émanant de l’aile en verre à l’uranium transcende le spectre traditionnel. Le matériau, imprégné d’oxyde d’uranium, confère à la pièce des propriétés luminescentes uniques, teintant le verre d’une lueur verte. Pouvant être interprétée comme la jeune pousse d’une plante ou comme l’aile délicate d’un animal ou d’un ange, cette œuvre semble être en pleine métamorphose.

Jean-François Krebs s’intéresse aux processus biologiques, comme la capacité de régénération des végétaux. Lorsqu’une plante est coupée et replantée, elle poursuit son cycle de croissance, témoignant d’une vitalité persistante et de connexions organiques. La magie opère lorsque le végétal, déraciné, retrouve la terre. Dans cet acte de coupe et de replantation, l’être se transforme en une manifestation de résilience et d’adaptabilité. Il puise dans ses ressources internes, tirant profit des liens souterrains qui relient ses racines à un réseau invisible.

À KOMMET, Jean-François Krebs nous invite à repenser notre relation à notre environnement et à embrasser une perspective où la fluidité et la transformation deviennent des éléments centraux. L’artiste suggère une vie différente, où l’humain explore un transhumanisme végétal et propose une voie vers un avenir où la fluidité, la transformation constante, et une symbiose profonde avec la nature, façonnent une expérience de vie alternative.

Émilie d’Ornano

En collaboration avec la Factatory (Lyon)

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Jean-François Krebs vit et travaille à Londres. Iel a étudié l’horticulture à l’École du Breuil, l’architecture du paysage à Edinburgh College of Art et à l’École Nationale Supérieure du Paysage de Versailles et l’art à Goldsmiths University of London ainsi qu’au Maumaus à Lisbonne.

Jean-François Krebs a notamment exposé lors de la 8ème Biennale internationale d’Art Contemporain de Melle (2018), à la Triennale Art et Industrie de Dunkerque (2023-2024), à la galerie Sherbet Green à Londres (2023), à Ugly Duck à Londres (2022) ou encore à la Galerie Municipale Jean-Collet à Vitry-sur-Seine (2022). Iel a bénéficié d’une résidence à la fondation Martell axée sur le travail du verre en 2021. En 2023, iel est l’un des lauréats du Fluxus Art Project. Plus récemment, Jean-François a achevé une résidence à la Factatory (Lyon) dans le cadre de la préparation de sa prochaine exposition à KOMMET.

Vue d’exposition du solo show de Jean-François Krebs. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue d’exposition du solo show de Jean-François Krebs. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue d’exposition du solo show de Jean-François Krebs. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue d’exposition du solo show de Jean-François Krebs. Crédit photo : Lucas Zambon
Vue d’exposition du solo show de Jean-François Krebs. Crédit photo : Lucas Zambon

Alexandre Caretti – LESS VOYAGE

Portrait filmé réalisé par Lam Son Nguyen – Lsnfilms

LESS VOYAGE

Depuis les vitrines de KOMMET, les spectateur·rices observent une série d’objets de la vie courante : chaises, table, lampes, cafetière, etc. Autant d’éléments référentiels qui peuvent subtilement nous projeter dans un espace de vie. Alexandre Caretti propose d’entrer dans le centre d’art comme on entrerait dans un appartement. L’entrée est marquée par un espalier qui sert de claustra, divisant la pièce en différentes zones. Ce premier sas remplit le rôle de couloir, agissant comme une transition entre l’extérieur et l’intérieur. Néanmoins, tout reste visible depuis la rue, soulignant que KOMMET demeure un espace public où l’intimité reste relative.

Alexandre Caretti explore l’espace domestique comme terrain de recherche formel. Plutôt que de viser une compréhension rationnelle, son objectif est de créer un langage artistique et sensible qui touche les visiteur·euses au-delà des limites de la logique et de la raison. Il tente de provoquer chez les spectateur·rices des micro-récits personnels en appelant des souvenirs liés à l’affect. À titre d’exemple, un simple objet comme une cafetière peut évoquer des souvenirs de moments partagés, de cafés du matin, ou encore une nostalgie pour des instants révolus. Ses œuvres suscitent des émotions et des récits personnels chez celleux qui les contemplent.

Cette volonté d’interactions confère aux œuvres d’Alexandre Caretti une forme d’agentivité, c’est-à-dire la capacité d’exercer un effet sur les publics. Cette approche se distingue nettement de la traditionnelle sacralité associée à l’art, où les œuvres sont souvent perçues comme des entités autoritaires et inaccessibles. Son intérêt ne se limite pas à la relation entre la figure de l’artiste et le·la spectateur·rice. Il explore également toutes les interactions affectives qu’il tisse avec ses propres œuvres, les autres artistes et l’environnement architectural dans lequel il expose. Son travail dévoile une fascination pour les réseaux affectifs dans leur globalité, offrant ainsi une expérience artistique multidimensionnelle et poétique.

Less Voyage offre une expérience de visite qui rompt avec la contemplation passive généralement associée à certaines expositions. L’artiste propose une nouvelle perspective sur notre quotidien en créant un répertoire de formes et de gestes qui transcende les explications narratives traditionnelles. Ses interventions se distinguent par leur subtilité, frôlant parfois l’imperceptibilité. Cette approche incite les publics à scruter et à réévaluer le statut des objets qui se présentent à leur vue, tout en explorant les résonances émotionnelles et esthétiques qui émergent de cette cohabitation entre œuvre d’art et objet du quotidien.

Émilie d’Ornano

Avec le soutien du Centre Wallonie-Bruxelles (CWB) Paris – Hors-Les-Murs Satellite

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Né en 1996 à Besançon, Alexandre Caretti vit et travaille à Lyon. Il est diplômé de la Haute École des Arts du Rhin, à Strasbourg en 2020. Son travail a été exposé au CRAC Alsace – Centre rhénan d’art contemporain (2018), le 19 – Crac Montbéliard (2020), le Casino du Luxembourg (2019) et le Casino Display (2020).  Cette année, il participe à une exposition à l’École des Beaux-Arts de Belfort en partenariat avec le 19 – Crac Montbéliard, et sera régulièrement au CRAC Alsace – Centre rhénan d’art contemporain pour une collaboration dans le cadre de la bourse Emergences Grand Est. Son intérêt pour les réseaux affectifs des mondes de l’art l’a amené à devenir assistant régisseur à la Chaufferie – Espace d’art contemporain de Strasbourg, puis travaille actuellement comme chargé de communication et production au CAP • Centre d’art de Saint-Fons.

Vue d’exposition du solo show d’Alexandre Caretti. Crédit photo : Lam Son Nguyen
Crédit photo : Lam Son Nguyen
Crédit photo : Alexandre Caretti
Crédit photo : Alexandre Caretti
Alexandre Caretti, Chaise #1, 2023 chaise pliante Souvignet (Alexandre Caretti) et Chaise #2, 2023
chaise pliante Souvignet (KOMMET). Crédit photo : Alexandre Caretti
Alexandre Caretti, Beurre et sucre, 2023. Crédit photo : Alexandre Caretti
Alexandre Caretti, La peinture de Jules, Jules Maillot, tuna fish sandwich on wheat toast with butter and lettuce, WITH MAYO, 2021. Crédit photo : Alexandre Caretti
Alexandre Caretti, Chemise d’été, coton bouton en os, 2023. Crédit photo : Alexandre Caretti

Encastrable – HHH RELEASE PARTY

Évènement en collaboration avec le programme de résidences Solarium Tournant, le label Carpaccio Cathédrale et le centre d’art de Flaine.

Exposition et films

La résidence Hitchhiker (HHH) est un projet du duo d’artistes Encastrable (Antoine Lejolivet et Paul Souviron). Elle est née de l’envie d’ajouter une touche d’imprévu aux modes de production de la musique électronique, processus souvent sédentaire et solitaire. C’est un road-trip de création musicale, dans lequel les artistes sont invités à produire des morceaux à partir des captations réalisées au fil d’un voyage de quelques jours.
À l’issue de chaque résidence sont produits : un EP digital sur le label Carpaccio Cathédrale, un documentaire vidéo diffusé sur leur page Youtube, ainsi qu’une restitution radiophonique sur LYL.live, radio en ligne dédiée à la scène électronique contemporaine.
À cette occasion, a été présentée l’exposition du duo Encastrable “Je veux que tu nous mettes des étoiles dans les yeux, Gilbert !” avec les films d’Antonin Tricard, Cha Gonzalez et Florent Hadjinazarian.

Concerts

Charmaine’s name – Live folk rock crooner (US)
F pneumonia – Live machine (FR)
Théréon Live chanson française wave (FR)
TRRRNCTRN – Ambient (FR)

Sortie de vinyles

Solarium Tonneau x HHH réalisé à Flaine avec Solarium Tournant et Le centre d’art de Flaine
HHH-retro : Compilation des 5 premières résidences Hitchhiker réalisées entre 2020 et 2021 avec le soutien de la région Grand Est et de Impuls Neue music Berlin.

Blanche et Louise Lafarge – NOS CORPS ENCODÉS

NOS CORPS ENCODÉS

Du 12 mai au 13 juillet 2023, la double exposition Nos corps encodés se déploie à KOMMET, puis avec un temps de latence, à la Galerie Tator du 8 juin au 26 juillet 2023. Ce parcours peut être envisagé comme une expérience de l’ubiquité où les visiteurs sont invités à naviguer d’un lieu à l’autre, entre réalité et virtualité.

Depuis plusieurs années, les artistes et sœurs jumelles Blanche et Louise Lafarge mènent une réflexion globale sur la représentation des avatars ainsi que des corps incarnés dans les espaces numériques.

Sans grande surprise, les stéréotypes provenant du monde hors ligne sont tout autant perceptibles dans le monde virtuel. Le corps est physiquement absent mais reste en revanche sujet à des faits de cyber harcèlement en ligne. Le site 4Chan, créé en 2003, est un parfait exemple de ses possibles dérives. Sorte de forum géant, les utilisateur.rices peuvent y partager des images ou des messages de manière totalement anonyme. Très rapidement, 4Chan façonne une certaine culture sur internet, démocratisant notamment les mèmes. En 2007, certains de ces utilisateurs y inscrivent des prétendues lois alors appelées « Règles d’internet ». Parmi celles-ci, la règle N° 30 énonce : « Il n’y a pas de femmes sur internet. ». Cela signifie, de manière ironique, que le web est dominé et défini par des internautes masculins et par une population de trolls pouvant se faire passer pour des femmes. Ce slogan sexiste implique également que l’anonymat empêche tout « privilège féminin » qui serait alors perçu comme un avantage social.

Le cyber espace offre néanmoins des possibilités plus optimistes comme celle de pouvoir emprunter, manifester ou affirmer son identité, tout cela sans aucune conséquence sur notre vie sociale. La virtualité devient le lieu de tous les possibles, sorte d’espace de transit utopique situé entre la réalité et la fiction. L’avatar, qui peut surgir au-delà de l’anonymat, permet donc de repousser les frontières du genre et, par la même, de briser la binarité de genre.

Legacy Russell, curatrice et autrice américaine, propose avec le concept glitch feminism d’abandonner la dichotomie virtuel-réel et de penser le web comme un nouvel espace propice à l’identité de genre se situant en dehors des normes sociales, laissant ainsi de la place au queer. Le glitch serait donc finalement le moyen de faire bugger ces normes pour valoriser les corps différents. 

Générées à partir de scans 3D qui glitchent, les visiteurs découvrent à KOMMET d’étranges sculptures déliquescentes. On assiste ici à la transposition de formes issues du film Au seuil du bord, je glisse, présenté en parallèle à la Galerie Tator. Ces formes noires et visqueuses nous entrainent dans une réalité mouvante qui tend à muter et à s’échapper vers un ailleurs numérique. En y regardant de plus près, on devine la présence de morceaux de corps inertes. L’aspect glossy et monstrueux de ces amas de formes indescriptibles provoquent une fascination où se joue la dualité attraction-répulsion.

Dans cette double exposition, les artistes associent différentes techniques leur permettant d’interroger la manière dont les corps sont représentés et affectés dans les espaces numériques : sculpture, scan 3D, sérigraphie, vidéo, son, hologramme ou encore sérigraphie. Les œuvres présentées à KOMMET et à la Galerie Tator délivrent autant de questionnements sur le genre que sur ses modes de représentations. Les artistes Blanche et Louise Lafarge ambitionnent pour le futur un cyber espace plus ouvert et inclusif, où chaque individu pourrait s’exprimer librement sans craindre d’être jugé ou discriminé.

Émilie d’Ornano

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Née en 1994, Blanche Lafarge vit et travaille à Saint-Étienne. Elle est diplômée de la Haute École d’Art et Design de Genève en 2018. Elle travaille seule ou en duo avec Louise Lafarge. Son travail a été présenté à la Factatory (Lyon), les Ateliers Médicis (Clichy), L’Angle (La-Roche-sur-Foron), la galerie Passerelle (Paris), au Château de Villeurans (Morges) ou encore aux Ateliers Saegher (Bruxelles). Ses films ont été diffusés dans de nombreux festivals (les Instants Vidéos Numériques et Poétiques (Marseille), Dissident festival (Marseille), Fesses-tival (Genève), Design Days (Genève), etc.).

Née en 1994, Louise Lafarge vit et travaille à Toulouse. Elle est diplômée de l’École Nationale Supérieure d’Art de Bourges (DNAP) en 2017 et de la Haute École d’Art et Design de Genève (DNSEP) en 2019. Elle travaille seule, en duo avec Blanche Lafarge ou au sein du collectif TOTAL (2017-2020). Elle effectue plusieurs résidences en duo avec Blanche Lafarge à la Factatory (Lyon), aux Ateliers Médicis (Clichy) et au Labo NRV (Lyon). Son travail a été présenté à la Factatory (Lyon), L’Angle (La-Roche-sur-Foron), aux Ateliers Saegher (Bruxelles), l’Arsenic, aux ateliers de Bellevaux (Lausanne), Vinaigre Festival (Vevey) ainsi qu’au Théâtre Saint Gervais (Genève).

Vues d’exposition : Blanche Lafarge

Dounia Chemsseddoha et Lisa Hoffmann – DANS LEURS MAINS, NOUS NOS YEUX

DANS LEURS MAINS, SOUS NOS YEUX

Résidence an other here – Édition II Montbrun-les-Bains

Le programme de résidences nomades an• other here soutient la recherche et la création des practien.nes de l’art invité.es. Il agit comme intercesseur de narrations créatives tout en prenant soin de générer des synergies avec le territoire investi. 

Pour sa deuxième édition, la résidence s’est nichée sur le flanc d’une montagne calcaire, aux abords du village Montbrun-les-Bains. Durant l’automne 2022 les artistes sélectionnées Dounia Chemsseddoha et Lisa Hoffmann ont glané les arcanes du territoire à partir de la maison familiale Tulicasi. A la fois espace de vie, de recherche, de production et d’accueil du public, ce repère a constitué une plateforme de rencontres rhizomatiques. Il a permis l’exploration d’un environnement habité de figures dissidentes et de pratiques intimement liées à cet espace circondé d’une charpente naturelle. La marche, le pastoralisme, la céramique, la géologie, la paysannerie herboriste, l’olfactothérapie ou encore la cueillette sauvage ont constitué des fils rouges au sein de chaque processus artistique.  

L’éloignement de la frénésie urbaine a donné aux artistes une appréhension plus précise, plus lente, plus fragmentée, du contexte naturel, faisant surgir le fragile et l’intangible du paysage environnant. Une pensée s’est façonnée alors, non pas en face ou avec mais dans celui-ci.

La double notion absence-présence a été convoquée dans le processus de création des deux artistes, manifestant que ce qui ne peut être vu n’est pour autant inexistant ou immatériel. À juste titre Dounia Chemsseddoha use de l’entrevision – clé de voûte dans son travail – résultat d’un processus permettant de faire alliance avec l’invisible. Elle consolide cette approche avec le matériau de la céramique, lequel progressera tout au long de sa résidence au contact d’une artisane céramiste de Montbrun-les-Bains. Des pièces hybrides au potentiel de soin ont émergé, vases de corps et réceptacles à corolles pouvant recueillir des élixirs curatifs. Tandis que Lisa Hoffmann a concentré sa recherche sur la dimension de la marche, la trace humaine, animale, végétale et leur mémoire. Et ses indices, évocateurs d’une réalité cachée. L’écriture et la photographie ont été deux outils utilisés avec brio pour ouvrir une réflexion riche sur notre rapport au paysage, et même incisive pour détourner l’anéantissement de l’esprit du regardeur. Interpeller, déstructurer, finalement sensibiliser. 

L’exposition Dans leurs mains, sous nos yeux délivre les projets réalisés durant la résidence ainsi que de nouvelles pièces restituant l’immersion des deux artistes sur le territoire de la Drôme Provençale. Cette deuxième édition an• other here a été accompagnée avec ferveur par la communauté du village de Montbrun-les-Bains, et a donné lieu à des événements organisés en collaboration étroite avec le collectif des travailleur.euses de l’art Polynome.

Livia Tarsia In Curia

Dans leurs mains, sous nos yeux

Pour cette nouvelle exposition, KOMMET a le plaisir de s’associer au programme de résidences nomades an• other here. Dans leurs mains, sous nos yeux est la reproduction lacunaire du paysage de Montbrun-les-Bains. Par la sculpture, l’installation ou encore la photographie, Dounia Chemsseddoha et Lisa Hoffmann dévoilent dans le centre d’art les résultats de leurs recherches générées sur ce territoire et retranscrivent ici les contours visibles et invisibles de cet environnement bucolique.

Depuis l’Antiquité, le village de Montbrun-les-Bains est reconnu pour son eau sulfurée. Utilisée pour les cures thermales, cette eau soulage les rhumatismes et traite les affections respiratoires. Dounia Chemsseddoha explore en partie cette facette du territoire en évoquant l’eau, ressource rare et précieuse. À KOMMET, elle fictionne un monde parallèle et convie les spectateurs à une spéléo dans la caverne souterraine de ce village. Des réceptacles accueillant des eaux florales potentiellement curatives sont disséminés dans cette « grotte ». Ainsi, les visiteurs sont invités dans une pérégrination où il est possible d’éveiller ses sens. La litanie des collines diffuse des réminiscences enregistrées pendant la résidence. On découvre alors toute la richesse ancestrale des plantes médicinales et l’on s’initie à toutes leurs vertus, par moments ésotériques.

Lisa Hoffmann, quant à elle, regarde, observe et examine pour déceler une toute autre réalité, bien souvent dissimulée. Elle sème dans l’espace d’exposition les indices d’une traversée, celle d’une heureuse rencontre avec le territoire de Montbrun-les-Bains.  Après avoir effectué un travail de collecte oral et visuel, elle imite ici certaines traces et expériences de ce que le paysage et les habitant.e.s, humains, animaux, végétaux et minéraux, ont su lui raconter. Lisa Hoffmann se questionne sur la perception et la représentation objective de ce paysage en mutation. Finalement, comment le contempler tout en faisant acte de préservation ? À KOMMET, la nature impalpable se retrouve enserrée entre des plaques de verre. Bien que mise à distance, elle est sujette à l’analyse d’échantillons au microscope par les visiteurs-scientifiques. Des mains fantomatiques, accompagnés de différents jeux optiques, dirigent les regards des visiteurs et impulsent différents points de vue sur l’exposition depuis l’intérieur, mais également depuis l’extérieur du centre d’art.

À elles-deux, les artistes prélèvent et sélectionnent des fragments du paysage drômois qui viennent s’hybrider et contaminer l’environnement urbain. Après l’exploration et cette intense période de fouille à Montbrun-les-Bains, Dounia Chemsseddoha et Lisa Hoffmann entremêlent à KOMMET fabulations et souvenirs reconstruits. L’espace d’exposition devient le lieu d’accueil de deux récits voués à être arpentés et partagés. 

Émilie d’Ornano

Exposition en partenariat avec an• other here

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Née en 1980, Dounia Chemsseddoha vit et travaille à Toulouse.

En 2018, elle intègre la formation-incubateur d’artistes Profession Artistes au BBB Centre d’Art (Toulouse). Son travail est exposé à la Galerie de l’Arthothèque (Gondrin) en 2021. Cette même année, elle effectue la résidence de recherche SAISONS ZÉRO au Monastère des Clarisses (Roubaix) et obtient la bourse du programme TRAVERSÉES organisé par le CIPAC, la FRAAP et le réseau Diagonal. En 2022, son travail fait l’objet d’une publication dans l’ouvrage FRAGMENTS par Madeleine Filippi et elle participe au programme de résidences an• other here (Montbrun-les-Bains).

Née en 1991, Lisa Hoffmann vit et travaille à Berlin.

Elle est diplômée en Design Durable du Bauhaus-Universität Weimar (Allemagne) et en Art et Médias de l’Universität der Künste Berlin (Allemagne). Elle expose à la Phototriennale Hambourg (Allemagne) en 2018, à la Bienal Fotografia do Porto (Portugal) en 2019 et en 2021 dans Streetlight à la Roman Susan Art Foundation (États-Unis). En 2022 son travail est notamment présenté à Tampere Film Festival (Finlande), au Rundgang 50 Hertz, Hamburger Bahnhof – Museum für Gegenwart (Allemagne), ainsi qu’au Video Art Festival Turku (Finlande). Cette même année elle prend part au programme de résidences an other here. Elle est membre actif du collectif Klasse Klima.
 
an• other here est un programme de résidences nomades.

Il a pour vocation de soutenir artistes, commissaires d’exposition, et autres professionnel•les de la création contemporaine. À chaque édition la résidence s’inscrit dans une nouvelle localité, élue pour ses singularités historiques et culturelles, son écosystème régional et son éloignement des zones conformes d’activités créatives. an• other here s’engage à produire et à diffuser des projets qui expérimentent artistiquement avec et par la richesse de ce qui est géographiquement proche de la résidence – l’altérité dans la proximité.

Vues d’exposition : Lucas Zambon

Johanna Cartier – TERRAINS FRAGILES, AMOUR MISKINE

TERRAINS FRAGILES, AMOUR MISKINE

Johanna Cartier concentre ses recherches sur des sujets considérés comme marginaux. Les PMU, le monde des routiers ou encore le mouvement techno « gabber », sont autant de sujets que l’artiste fouille et décortique avec empathie. Son travail se matérialise via la peinture, le dessin, la sculpture, l’installation ou encore la vidéo. Bien souvent fondé sur des observations, des expériences et des témoignages variés, son travail débute par des images collectées sur Internet ou par des objets chinés dans des vide-greniers. Sa pratique se nourrit de recherches approfondies qui peuvent l’amener à échanger avec les individus concernés par la thématique traitée. Fascinée par des univers à contre-courant, souvent mal perçus, elle examine et questionne de nombreux clichés, tabous et idées reçues.

Pour son exposition personnelle à KOMMET, Johanna Cartier convoque ses expériences et ses souvenirs les plus intimes. Dans ses œuvres, elle nous délivre un bout de son adolescence passée dans la diagonale du vide et s’attache à montrer ce que peut être la vie de jeunes filles en milieu rural. Ces dernières grandissent bien loin du monde urbain, bien loin de l’anonymat. Drague aux abords d’une cage de foot ou travail dans l’exploitation agricole familiale, elles évoluent sur un territoire où il y a peu d’activités, peu de loisirs et où les commerces de proximité ont quasi disparu. Le lavoir, l’arrêt de bus ou le stade de foot, deviennent ainsi des lieux propices aux rendez-vous entre amis, et plus si affinités.

Johanna Cartier métamorphose l’espace d’exposition et recrée un petit bout de campagne en plein cœur de la Guillotière. On observe un faux gazon et un pan de mur peint en jaune fluo qui pourrait être celui d’un champ de colza ou bien de ces affiches visibles le long des routes et des ronds-points indiquant « bal des pompiers », « brocante », etc.

Elle décide également d’éplucher ses anciennes conversations Facebook et nous plonge un peu plus dans l’univers des ragots et des ados.

À KOMMET, l’artiste s’empare d’objets symboliques et joue constamment sur des doubles sens pour faire ressortir des sujets plus profonds. Ainsi, elle met ici en parallèle la cage de foot avec le rêve de rencontrer l’amour et de s’unir pour la vie. Observant à la campagne que le mariage est généralement une fin en soi, la cage alors féminisée par des centaines de strass, arbore un imposant voile. Le but devient ici le symbole d’une aspiration prégnante dans le monde rural. Questionnant les relations humaines et sociales, elle explore aussi la manière dont les jeunes filles adoptent certains comportements pour s’adapter aux schémas patriarcaux. De temps à autre, perçues comme des copines, de futures épouses ou encore comme des cibles, elles naviguent fébrilement entre hypersexualisation précoce et pression du jugement. « Vivant dans des espaces où l’interconnaissance est forte, où les commérages participent à classer et déclasser socialement les individus entre eux, et où les histoires et les qu’en dira-t-on se transmettent de génération en génération, les jeunes femmes doivent faire avec et tout faire pour ne pas y être associées »1.

Expression relevant d’un danger ou d’une interdiction, Johanna Cartier utilise et détourne des panneaux de signalisation et offre aux visiteurs différents niveaux de lecture. Gare aux mauvaises fréquentations si l’on ne souhaite pas que sa réputation et sa respectabilité soit entachée. En effet, les « jeunes filles du coin » ont l’habitude de rester sur le qui-vive et évitent, de près comme de loin, les potentiels prédateurs. Si l’on dépasse le sens littéral de la pancarte « Attention auX chienS » cette dernière évoque alors les hommes graveleux et dangereux.

Néanmoins, quitter le foyer peut s’avérer complexe lorsque l’on ne possède aucun moyen de locomotion et, de là, peuvent surgir des sentiments d’enfermement et de frustration. Les jeunes filles se laissent volontiers séduire par les jeunes des villages voisins propriétaires de scooters. Johanna se souvient que ces cavaliers motorisés lui permettaient de défier certains interdits. Par exemple, elle s’échappait pour des virées nocturnes pour fumer la chicha en douce. Sa meilleure amie en était l’heureuse propriétaire et, par chance, les « gars du coin » véhiculés pouvaient amener le matériel nécessaire : briquet, charbon et autres accessoires indisponibles dans son propre village de campagne. La chicha crée ainsi un nouveau prétexte pour se regrouper et échanger. À KOMMET, une femme suçote une tétine tandis qu’un homme semble fumer la chicha. Par sa forme fine et phallique, les tuyaux renvoient à la figure du serpent. En sélectionnant certains des objets présentés dans cette exposition, Johanna Cartier aborde implicitement le passage de l’enfance à l’âge adulte.

Johanna Cartier entremêle, dans cette exposition, objets réels, images mentales, expressions et clichés ruraux. Marquée par cette adolescence loin de tout, elle prend du recul et pose tout dorénavant un regard compréhensif et admiratif sur ces personnes qui vivent et travaillent à la campagne. En dressant ce portait, à cheval entre la réalité et la fiction, elle s’interroge encore aujourd’hui à la construction des relations sociales dans le monde rural et cherche à mieux saisir ses fondements.

1 Yaëlle Amsellem-Mainguy, Les filles du coin : vivre et grandir en milieu rural, Paris, Éditions SciencesPo Les Presses, 2021, p. 73.

Exposition en partenariat avec la Factatory résonance avec la Biennale de Lyon

Commissariat
Émilie d’Ornano 

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Née en 1996, Johanna Cartier vit et travaille à Brest. Elle est diplômée de l’École Supérieure d’Art de Bretagne (site de Rennes) en 2019. Elle inaugure en 2021 une exposition personnelle au centre d’art Passerelle (Brest), Son travail a également été exposé à la Galerie Vanessa Quang (Paris), à la galerie du Praticable (Rennes) ou encore à Dapper (Amsterdam). En juin 2022, elle effectue une résidence à la Maison d’arrêt de Brest, en partenariat avec Passerelle, la Ligue de l’Enseignement du Finistère, et la PJJ dans le cadre du dispositif Culture/Justice soutenu par le Ministère de la Culture et la DRAC Bretagne

Vues d’exposition : Lam Son Nguyen