Blanche et Louise Lafarge – NOS CORPS ENCODÉS

NOS CORPS ENCODÉS

Du 12 mai au 13 juillet 2023, la double exposition Nos corps encodés se déploie à KOMMET, puis avec un temps de latence, à la Galerie Tator du 8 juin au 26 juillet 2023. Ce parcours peut être envisagé comme une expérience de l’ubiquité où les visiteurs sont invités à naviguer d’un lieu à l’autre, entre réalité et virtualité.

Depuis plusieurs années, les artistes et sœurs jumelles Blanche et Louise Lafarge mènent une réflexion globale sur la représentation des avatars ainsi que des corps incarnés dans les espaces numériques.

Sans grande surprise, les stéréotypes provenant du monde hors ligne sont tout autant perceptibles dans le monde virtuel. Le corps est physiquement absent mais reste en revanche sujet à des faits de cyber harcèlement en ligne. Le site 4Chan, créé en 2003, est un parfait exemple de ses possibles dérives. Sorte de forum géant, les utilisateur.rices peuvent y partager des images ou des messages de manière totalement anonyme. Très rapidement, 4Chan façonne une certaine culture sur internet, démocratisant notamment les mèmes. En 2007, certains de ces utilisateurs y inscrivent des prétendues lois alors appelées « Règles d’internet ». Parmi celles-ci, la règle N° 30 énonce : « Il n’y a pas de femmes sur internet. ». Cela signifie, de manière ironique, que le web est dominé et défini par des internautes masculins et par une population de trolls pouvant se faire passer pour des femmes. Ce slogan sexiste implique également que l’anonymat empêche tout « privilège féminin » qui serait alors perçu comme un avantage social.

Le cyber espace offre néanmoins des possibilités plus optimistes comme celle de pouvoir emprunter, manifester ou affirmer son identité, tout cela sans aucune conséquence sur notre vie sociale. La virtualité devient le lieu de tous les possibles, sorte d’espace de transit utopique situé entre la réalité et la fiction. L’avatar, qui peut surgir au-delà de l’anonymat, permet donc de repousser les frontières du genre et, par la même, de briser la binarité de genre.

Legacy Russell, curatrice et autrice américaine, propose avec le concept glitch feminism d’abandonner la dichotomie virtuel-réel et de penser le web comme un nouvel espace propice à l’identité de genre se situant en dehors des normes sociales, laissant ainsi de la place au queer. Le glitch serait donc finalement le moyen de faire bugger ces normes pour valoriser les corps différents. 

Générées à partir de scans 3D qui glitchent, les visiteurs découvrent à KOMMET d’étranges sculptures déliquescentes. On assiste ici à la transposition de formes issues du film Au seuil du bord, je glisse, présenté en parallèle à la Galerie Tator. Ces formes noires et visqueuses nous entrainent dans une réalité mouvante qui tend à muter et à s’échapper vers un ailleurs numérique. En y regardant de plus près, on devine la présence de morceaux de corps inertes. L’aspect glossy et monstrueux de ces amas de formes indescriptibles provoquent une fascination où se joue la dualité attraction-répulsion.

Dans cette double exposition, les artistes associent différentes techniques leur permettant d’interroger la manière dont les corps sont représentés et affectés dans les espaces numériques : sculpture, scan 3D, sérigraphie, vidéo, son, hologramme ou encore sérigraphie. Les œuvres présentées à KOMMET et à la Galerie Tator délivrent autant de questionnements sur le genre que sur ses modes de représentations. Les artistes Blanche et Louise Lafarge ambitionnent pour le futur un cyber espace plus ouvert et inclusif, où chaque individu pourrait s’exprimer librement sans craindre d’être jugé ou discriminé.

Émilie d’Ornano

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Née en 1994, Blanche Lafarge vit et travaille à Saint-Étienne. Elle est diplômée de la Haute École d’Art et Design de Genève en 2018. Elle travaille seule ou en duo avec Louise Lafarge. Son travail a été présenté à la Factatory (Lyon), les Ateliers Médicis (Clichy), L’Angle (La-Roche-sur-Foron), la galerie Passerelle (Paris), au Château de Villeurans (Morges) ou encore aux Ateliers Saegher (Bruxelles). Ses films ont été diffusés dans de nombreux festivals (les Instants Vidéos Numériques et Poétiques (Marseille), Dissident festival (Marseille), Fesses-tival (Genève), Design Days (Genève), etc.).

Née en 1994, Louise Lafarge vit et travaille à Toulouse. Elle est diplômée de l’École Nationale Supérieure d’Art de Bourges (DNAP) en 2017 et de la Haute École d’Art et Design de Genève (DNSEP) en 2019. Elle travaille seule, en duo avec Blanche Lafarge ou au sein du collectif TOTAL (2017-2020). Elle effectue plusieurs résidences en duo avec Blanche Lafarge à la Factatory (Lyon), aux Ateliers Médicis (Clichy) et au Labo NRV (Lyon). Son travail a été présenté à la Factatory (Lyon), L’Angle (La-Roche-sur-Foron), aux Ateliers Saegher (Bruxelles), l’Arsenic, aux ateliers de Bellevaux (Lausanne), Vinaigre Festival (Vevey) ainsi qu’au Théâtre Saint Gervais (Genève).

Vues d’exposition : Blanche Lafarge