Résidence Hélène Hulak

KOMMET a eu le plaisir d’accueillir l’artiste Hélène Hulak en résidence de création du 15 mars au 30 avril.

Hélène Hulak développe une pratique d’installation mêlant peinture, sculpture, textile et vidéo. Elle emprunte des images issues de la culture populaire susceptibles de connaître des mues successives. Elle joue et use, à outre mesure, de leurs codes afin de générer chez le spectateur une réflexion liée à notre rapport au genre et à notre environnement. Lors de performances, Hélène Hulak active et prend pleine possession de ces corps déformés, distordus et chatoyants.

Née en 1990, Hélène Hulak vit et travaille à Lyon. Diplômée de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Lyon, son travail a notamment été exposé au macLyon, aux Magasins Généraux (Pantin) et à Metaxu (Toulon). Invitée par Studio Ganek, elle participe au mois d’avril 2021 à l’exposition collective À ciel ouvert, installée dans des panneaux d’affichage de la ville de Lyon. 

Dans le cadre de cette résidence de création, Hélène Hulak a développé ses recherches autour d’une série de nouvelles pièces textiles. Son travail sera présenté lors d’une exposition à KOMMET début 2022.

Hypnotic Poison, 2021

Cyprien Desrez – ET IL FAUDRA FROISSER LA FEUILLE

ET IL FAUDRA FROISSER LA FEUILLE

Cyprien Desrez développe une pratique plurielle : installation, sculpture, dessin, performance, écriture ou encore photographie. Avant tout, il s’attache à faire des choses qu’il apprécie comme simplement boire du café, cuisiner, voyager ou bien flâner dans les rues de Caen. Comprenons ainsi qu’il ne hiérarchise aucune de ses activités et, qu’au final, chacune de ses actions est intimement liée à sa pratique artistique. Il fait le choix de s’emparer de ce qui l’entoure et s’inspire continuellement de ses pérégrinations ou même de discussions avec des inconnus lors de ses nombreux voyages en auto-stop. Cyprien Desrez marche dans les pas d’un conteur d’histoires. Il aime se présenter comme un « étudiant retraité » qui ne cesse jamais d’apprendre et d’expérimenter.

Lorsque Cyprien Desrez tombe, par hasard, sur un carton abandonné, il entreprend quasi systématiquement de le ramener à pied jusqu’à son atelier. Pour lui, nul besoin d’acheter frénétiquement du matériel car la rue est en quelque sorte devenue son « Leroy Merlin » de quartier. Il y collecte une multitude de matériaux considérés comme des rebuts pour en explorer leurs potentiels comme moyens d’expression. Dans son travail, il questionne essentiellement la notion de déplacement mais, ce qui s’impose d’emblée à notre regard, ce sont ces couleurs vives et ces formes immédiatement reconnaissables : animaux, screenshots provenant de Google Images ou encore pots de sauces kebab. Tout peut être nommé et identifié. Ses œuvres conservent en effet tout leur pouvoir évocateur : un conglomérat de références liées à la vie quotidienne.

À l’instar d’une exposition qui serait visible à KOMMET ou dans un quelconque autre white cube, Cyprien Desrez a été invité à concevoir une « exposition à emporter ». Déjouant les contraintes liées à la crise sanitaire, ce format permet le déplacement de l’exposition, se déployant de manière tangible dans l’espace domestique. L’installation Et il faudra froisser la feuille, dont le titre donne son nom à l’exposition, est composée de deux feuilles et d’un livret. Dans ce dernier, un protocole d’installation est à consulter en première page.

Enfant, on ne cesse de nous répéter qu’il ne faut pas s’approcher du feu, au risque de nous brûler. Dans cette installation, Cyprien Desrez déroge à cette règle pour nous inciter à élever l’âtre et à modeler la flamme. Il transpose avec facétie les manipulations qui permettent de concevoir un feu : placer des bûches, froisser du papier journal et lancer la combustion. Explorant une esthétique issue des jeux vidéo, il représente de faux volumes afin de rendre perceptible le simulacre d’un feu de camp. Le feu révèle un caractère ambivalent, entre destruction et émerveillement, un contraste entre deux points de vue intrinsèquement liés. Il est à la fois inquiétant mais peut aussi être rassurant. Selon Cyprien Desrez, « c’est chaleureux, le feu c’est fantastique ! C’est le feu ! ». Fasciné par toutes les vidéos YouTube montrant des bûches se consumant pendant des heures, il envisage le feu comme un moment placide propice à la contemplation et à l’échange.

Le livret intitulé Et il faudra froisser la feuille est publié aux éditions [dere]. Depuis la création de cette maison d’édition factice, Cyprien Desrez relate des moments vécus. La vie lui semble tellement riche qu’il n’éprouve aucunement le besoin d’inventer des histoires. À KOMMET, ou plutôt dans le lieu où se déploie cette exposition, Cyprien Desrez nous suggère subtilement de prendre le temps et nous convie à le rejoindre joyeusement au coin du feu.

Commissaire d’exposition Émilie d’Ornano

Né en 1993, Cyprien Desrez vit et travaille à Caen. Diplômé de l’ESAM Caen/Cherbourg en 2018, son travail a été exposé au Projektraum Ventilator (Berlin), AU LIEU (Paris) ou encore à Bubahof (Prague). Depuis 2018, il est en résidence au Labo des Arts (Caen). En 2021, il publiera un texte dans la Revue GROSGRIS et entamera une nouvelle résidence à l’Usine Utopik en Normandie puis au Portique, centre régional d’art contemporain (Le Havre). Cyprien Desrez participe également au programme DE VISU, dispositif de sensibilisation à destination de scolaires dans la région normande.

Cyprien Desrez, vue d’exposition Et il faudra froisser la feuille
Crédit photo : Lucas Zambon
Cyprien Desrez, vue d’exposition Et il faudra froisser la feuille
Crédit photo : Lucas Zambon
Cyprien Desrez, exposition à emporter Et il faudra froisser la feuille
Design graphique : Atelier C&J
Crédit photo : Lucas Zambon
Cyprien Desrez, vue d’exposition Et il faudra froisser la feuille
Crédit photo : Lucas Zambon

Exposition à emporter (design graphique : Atelier C&J)

Léa Bouttier – HOW YOU MOVE ME

HOW YOU MOVE ME

À travers la sculpture, la performance et la vidéo, Léa Bouttier mène une réflexion globale autour de l’usage des formes et du langage. De Robert Filliou à Franz West, en passant par Paul Cox, elle s’inscrit dans un héritage où l’artiste facétieux pose la question d’un échange heureux avec le spectateur. À la manière de la Verbs list de Richard Serra, Léa Bouttier a entamé pour l’exposition How you move me une liste d’actions liées aux gestes. Rouler, jeter, saisir, pivoter ou encore renverser, sont autant de manipulations qui nous permettent d’appréhender physiquement des objets. Cette recherche qu’elle opère lui permet de s’interroger sur la manière dont une forme engendre un mouvement. Ainsi à KOMMET, l’artiste tente de sonder le pouvoir des formes par le geste sculptural.

Choisi pour son caractère polysémique, le titre donné à cette exposition est tiré du refrain de la chanson Moving de Kate Bush. En effet, comprenons ce titre comme « la manière avec laquelle tu me fais bouger » mais pouvant être aussi traduit en français par « la façon dont tu m’émeus ». Ce double sens du verbe move en anglais, nous plonge dans une approche sensible et poétique de l’exposition. Avec sa pièce Rouler, saisir, compléter et poursuivre, l’artiste bouleverse notre rapport à l’œuvre car ici, ce sont les gestes qui enclenchent et matérialisent cette installation. Les visiteurs sont ainsi sollicités à faire usage de la sculpture en la manipulant et en l’expérimentant. À nouveau, Léa Bouttier joue avec les formes mais aussi avec les mots. En effet, le terme usage ayant lui aussi un double sens. Il peut être interprété comme l’acte d’utiliser quelque chose ou encore de pouvoir user cette chose, jusqu’à peut-être considérer qu’un objet, par son usage, va inévitablement se détériorer par le temps.

Dans ce dispositif sculptural, une série d’objets, semblables à des billes ou encore des toupies, sont agencés sur un plateau à différents niveaux. Léa Bouttier invite les visiteurs à pleinement les actionner à partir de gestes simples. La place de ces objets est loin d’être figée, tant ils sont amenés à être déplacés, jetés ou encore lancés pendant toute la durée de l’exposition. Ces derniers se retrouvent alors libres de se nicher ou même de se mouvoir dans les tourbillons, cavités et pentes douces de l’œuvre. Ces formes familières, que l’on retrouve dans un grand nombre de jeux d’adresse, permettent le développement de la coordination du geste et du mouvement par l’observation et la mentalisation du plateau et donc de l’espace. Ces formes deviennent les supports de l’expérimentation, des outils, des sortes de catalyseurs de l’œuvre.

Léa Bouttier puise son inspiration dans l’univers du flipper mais aussi dans les foires ambulantes où l’on continue à jouer notamment au passe-trappe, au jeu de bagatelle ou encore au billard japonais. Nous connaissons tous l’objectif de tels jeux, consistant la plupart du temps à tenter de positionner un objet à un endroit précis. Dans ce texte, les règles et les mécaniques ne seront pas dévoilées car à première vue, certaines seront comprises immédiatement tant elles nous sembleront familières. Pour certaines formes, les visiteurs se retrouveront dans l’obligation de développer de nouvelles ressources et d’inventer de nouvelles règles de jeux. L’œuvre suscite une initiative dont les effets sont imprévisibles. Cette installation n’induit pas seulement une simple réception sensible et passive du visiteur, mais celle d’une mise en situation d’activation de la pièce, seul•e ou à plusieurs. Léa Bouttier ouvre ainsi l’espace de l’œuvre et propose aux visiteurs-joueurs une manière différente d’appréhender la sculpture

Commissaire d’exposition Émilie d’Ornano

Née en 1993 à Montreuil-sous-bois, Léa Bouttier vit et travaille à Lyon. Elle est diplômée de l’ESAD Saint-Étienne, mention espace en 2017. Elle a notamment exposé aux Forces Motrices à l’ESADSE, à la biennale off de Saint-Étienne dans le cadre d’un projet collectif, ainsi qu’en 2017 la Cité du Design pour l’exposition des diplômés. En 2019, elle expose à la Serre à Saint-Étienne pour son premier solo show. Depuis 2017, Léa Bouttier est résidente aux ateliers du Grand Large à Décines-Charpieu (réseau ADÉRA).

Léa Bouttier, vue d’exposition How you move me
Crédit photo : Léa Bouttier
Léa Bouttier, vue d’exposition How you move me
Crédit photo : Léa Bouttier
Léa Bouttier, vue d’exposition How you move me
Crédit photo : Léa Bouttier
Léa Bouttier, vue d’exposition How you move me
Crédit photo : Léa Bouttier

Damien Fragnon – UN MIRAGE IRISÉ

UN MIRAGE IRISÉ

Damien Fragnon exerce une pratique de la sculpture et de l’installation et crée ainsi des environnements narratifs dans les espaces où il expose. Il mène une réflexion sur le monde et s’interroge sur la relation humain-nature. Ses recherches procèdent systématiquement d’un triple geste : l’observation, l’expérimentation puis la disparition. Ce n’est donc pas sans rappeler la nature qui agit elle-même par processus. Tantôt explorateur, il utilise essentiellement des matériaux qu’il collecte autour de lui, comme des pierres, des branchages, ou encore des bouteilles en verre. Travaillant par polarité, il confronte des éléments qui mêlent état naturel et intervention humaine. Tantôt scientifique, Damien Fragnon s’adonne également à la rédaction de protocoles afin de pouvoir comparer ou faire évoluer ses résultats. Il y retranscrit méthodiquement les expérimentations opérées sur la matière. En effet, les éléments qu’il sélectionne subissent les traces du temps et les intempéries. Abandonnés pendant une période définie, par exemple au détour d’une forêt, ou l’érosion naturelle d’une corde volontairement recouverte de sel.

L’exposition Un mirage irisé, dont le nom évoque un phénomène illusoire dû aux réfractions lumineuses, s’est attachée à rendre possible l’existence d’un « solo show confiné ». Cette dernière a été conçue pendant la période de confinement. Installée et pensée pour être visible de l’extérieur de KOMMET mais aussi déclinée en ligne. Pendant toute la durée de l’exposition, Damien Fragnon invite conjointement une communauté d’artistes plasticiens, musiciens, théoriciens, agronomes ou encore architectes, à s’enregistrer et à intervenir en ligne sur la démarche de l’artiste vue par le prisme de leurs activités respectives. 

Confiné dans l’Hérault, Damien Fragnon a dû s’adapter à la situation actuelle liée à l’épidémie de Covid-19 pour produire cette nouvelle installation. Qu’ils soient naturels ou manufacturés, son économie de travail reste inchangée : utiliser au maximum des éléments trouvés sur place pour l’élaboration de ses pièces. Pour cette exposition, les matières dont il s’empare lui permettent de créer une installation composite. La rigueur du cuivre, du marbre du plastique ou encore du verre rencontrent la fragilité de la nature, dans un équilibre incertain. Quelques éléments troublent néanmoins notre perception car une ambivalence plane sur le caractère naturel de certaines interventions. Par exemple, un morceau de bois semble avoir été rongé par des insectes et l’on se demande à juste titre si ce n’est pas l’artiste lui-même qui aurait sculpté ou façonné une partie de la matière.

Notons aussi l’importance de la temporalité dans sa pratique, qui se retrouve ici exacerbée par la crise sanitaire. Notre quotidien étant de facto rythmé par les annonces gouvernementales et par l’évolution de l’épidémie. L’artiste tente subtilement de nous plonger dans des environnements qui nous semblent familiers. Par exemple, l’activation automatique de néons colorés, lorsque la nuit commence à tomber, simule des couchers de soleil ou des lumières bleutées qui rappellent les éclairages de lieux industriels. 

Cette installation tentaculaire permet à Damien Fragnon des variations infinies. À KOMMET, elle semble figée mais en vérité cette dernière continue d’évoluer de manière autonome, sans la nécessité d’une quelconque intervention humaine. Pendant toute la durée de ce solo show, ces micro-organismes en suspension sont donc voués à muter, à s’adapter et à se transformer. Ainsi, le geste de l’artiste disparaît et la nature reprend peu à peu ses droits sur un environnement transformé par la main de l’homme. À l’ère de l’Anthropocène, on considère que l’humanité est un catalyseur de mutations et de certains processus tels que le réchauffement climatique ou encore la disparition progressive de la biodiversité. Un mirage irisé invite les visiteurs à se placer comme spectateurs et à se questionner sur ces enjeux et problématiques de notre propre survie. Damien Fragnon sonde avec poésie notre perception et notre rapport à la nature en créant ici ce qu’il nomme des « lianes urbaines ».

Commissaire d’exposition Émilie d’Ornano

Né en 1987, Damien Fragnon vit et travaille entre Lyon et Sète.

Il est diplômé de l’École supérieure d’art Annecy Alpes (ESAAA) en 2015 et rejoint la même année les Ateliers du Grand Large (réseau ADERA) à Décines-Charpieu jusqu’en 2018. Il part en 2019 en résidence en Thaïlande avec l’institut Français et l’ambassade de France et participera cette année aux Galeries Nomades, porté par l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne.

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En lien avec l’exposition, Damien Fragnon a invité une communauté d’artistes plasticiens, musiciens, théoriciens, agronomes ou encore architectes, à s’enregistrer et à intervenir en ligne sur la démarche de l’artiste vue par le prisme de leurs activités respectives. Ces enregistrements ont été dévoilés pendant toute la durée de l’exposition via le lecteur soundclound ci-dessous :

 
Damien Fragnon, vue d’exposition Un mirage irisé
Crédit photo : Amélie Berrodier
Damien Fragnon, vue d’exposition Un mirage irisé
Crédit photo : Amélie Berrodier
Damien Fragnon, vue d’exposition Un mirage irisé
Crédit photo : Amélie Berrodier
Damien Fragnon, exposition Un mirage irisé
Détail La glycine aux reflets bleus et oranges
Crédit photo : Amélie Berrodier
Damien Fragnon, vue d’exposition Un mirage irisé
Crédit photo : Amélie Berrodier

Sélection d’artistes émergents pendant le confinement

En cette période inédite de confinement, KOMMET a eu la volonté de continuer à diffuser et à promouvoir les artistes émergents. Sur la base d’un appel à projet, le lieu a invité les artistes à être présents dans ses « murs virtuels ». Les artistes sélectionnés ont bénéficié d’une mise en avant sur Instagram, Facebook ainsi que sur le site internet du lieu.

Il est essentiel que les artistes, n’ayant plus d’espace physique pour exposer pendant le confinement, puissent continuer à être visibles. Ainsi et malgré l’isolement que nous avons rencontré, KOMMET a souhaité permettre et faciliter une diffusion en ligne de la création contemporaine émergente.

KOMMET tient tout particulièrement à remercier les 352 artistes qui ont candidaté tout au long de cet appel à projet.

Découvrez les artistes sélectionnés :

Fauve Tintigner et Marine Zonca – DEPUIS L’ÎLE DE PÂQUES

DEPUIS L’ÎLE DE PÂQUES

L’exposition Depuis l’île de Pâques met en tension les pratiques de deux artistes – d’une même génération – qui interrogent le couple nature et culture donc ce qui fait civilisation et ruines. C’est un penchant naturel de se laisser emporter par des songes. Percevoir la création comme un voyage, et s’imaginer déjà sur l’île de Pâques. Au loin sur l’océan, il y avait des hommes qui ramaient sur des pirogues faites de bois. Sur terre, des profils. Oui, des profils là, dressés et plantés en face des plages sur une terre défrichée presque aride. Les arbres ont été balayés par le vent, ils n’existent plus. Il n’y a plus que ces visages taillés dans la roche volcanique. Se dire que des aliens sont passés par là. Qu’au fond, on se fout de savoir s’ils existent, on veut juste voir à quoi ils ressemblent. Nos interrogations ont finalement un rapport constant à l’esthétique : vouloir voir et savoir ce qui se dégage de toute chose. Alors, on raconte que des Hommes et des Femmes les ont vu naître. Leur visage est carré, l’arête du nez est droite et prononcée avec une arcade néandertalienne cachant des orbites sans yeux. Depuis l’île de Pâques, on questionne la figure humaine, ce qu’il en reste et ce qu’elle laisse sur cette île.

De l’art et du désastre.

Interroger avant tout le pourquoi et le comment. S’imaginer se balader en regardant ces bustes. Se dire que tout était déjà là depuis la nuit des temps. Penser que les actions du bâtir devenaient partie intégrante de l’appréhension de l’œuvre. Se demander ce qui fait civilisation. Le vêtement, l’artefact, l’outil ou la photo ? Reconnaître et admettre la présence que certaines images au fond de notre esprit construisent notre perception. Comme des paroles qu’on prononcerait avec prémonition, on trouve que les sculptures de l’île de Pâques dessinent les architectures de notre prochaine Atlantide. Où, il ne restera que l’âme de nos sculptures.

Commissaires d’exposition Rose Barberat et Alexandre Samson pour OFF.ON.FOCUS

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Fauve Tintigner est née en France en 1993. Elle vit et travaille à Paris. Elle a étudié à l’ESAD de Reims pour ensuite intégrer l’ENSAPC, puis a rejoint pour son master 1 KMD Bergen en Norvège. Actuellement basée à Paris, elle poursuit sa pratique de peintre mais aussi une pratique en duo avec l’artiste Juan Ignacio Lopez. Fauve questionne le vivant, en vouant un pan de sa pratique aux algues. Pour elle, le végétal cristallise un espoir, nous évoque d’autres modes de consommation dans un monde où nous nous questionnons sur notre impact. La pratique de Fauve questionne également les espaces où elle introduit ses toiles, en donnant une attention particulière aux lieux, dans lesquels les œuvres vont venir prendre place.

Marine Zonca est née à Paris en 1993. Elle vit et travaille à Lyon. Artiste plasticienne, elle obtient un DNSEP en 2017 avec les félicitations du jury à l’ENSBA Lyon. Après son diplôme, elle est invitée à exposer au Japon au sein d’une exposition collective autour de la spiritualité. Elle assiste ensuite Tadashi Kawamata pour la construction d’une œuvre monumentale. Cette même année, elle organise l’exposition La Dissociation en collaboration avec des psychiatres afin de traiter de la figure du curateur/médecin. Elle travaille régulièrement avec le collectif Arcade Majeur basé à Romainville autour d’expositions expérimentales. En mars 2020, elle exposera en solo à l’espace d’art contemporain La Serre à St-Étienne. Elle donne le nom d’objets-images aux sculptures et aux installations qu’elle réalise.

Vue d’exposition © photo Motoki Mokito
Vue d’exposition © photo Motoki Mokito
Vue d’exposition © photo Motoki Mokito
Vue d’exposition © photo OFF.ON.FOCUS

Florence Schmitt – TOUT VIENT DE L’EAU

TOUT VIENT DE L’EAU

Florence Schmitt développe une pratique sculpturale et picturale l’amenant vers des expérimentations formelles mêlant réappropriation d’objets du quotidien et matériaux tels que le plâtre ou le béton désactivé. Attentive à ce qui l’entoure, l’artiste collecte et fouille dans les images de son quotidien et reproduit certaines de ces scènes afin de les magnifier. Ces moments anodins deviennent ainsi les sujets privilégiés de ses installations, sculptures et peintures : une fontaine, des pots de fleurs, une plante qui vient d’être arrosée sur le perron d’une habitation ou encore la vue d’une terrasse où sont disposés un parasol, une table et un tuyau d’arrosage.

En cette période de problèmes environnementaux, Florence Schmitt manifeste une conscience écologique notamment liée à notre (sur)consommation d’eau. Cette exposition n’est pas pensée comme une critique sociétale mais plutôt comme une mise en exergue d’éléments ordinaires qui, habituellement, nous indiffèrent. Aujourd’hui, les municipalités multiplient les projets de végétalisation tels que les plantations d’arbres, l’effervescence d’éco-quartiers, de jardins partagés ou encore par l’existence du label ville fleurie. Le béton cède ainsi progressivement à des espaces de plus en plus verdoyants. Cette prise de conscience écologique, motivant un grand nombre de ces actions, influe largement sur notre qualité de vie. On constate alors que les fleurs et les plantes vertes envahissent peu à peu nos intérieurs. Dans cette exposition, l’artiste reproduit et crée des récipients factices pour cette végétation domestique. Les pots, coupelles et jardinières pourraient s’avérer être des fragments et des vestiges retrouvés sur un site archéologique. Quelques pots ont été méticuleusement agencés sur un empilement de moulages d’écorces de pins et nous apparaissent comme des socles-fossiles rattachés au temps présent.

Le béton désactivé – ou sa représentation – se retrouve également dans un grand nombre de ses œuvres. Florence Schmitt parle d’un matériau « ingrat » qui est principalement utilisé pour le revêtement de terrasses, de voiries urbaines ou encore dans des allées de jardins. Elle refaçonne ici ce matériau qui la fascine pour créer une stèle rétro-éclairée. Dressée telle une pierre tombale, cette stèle est disposée à même le sol contre un aplat orange formant comme une ombre colorée. Cette dernière semble avoir été causée par le déploiement de la lumière artificielle contre le mur.

La fontaine, élément central de cette exposition, tient une place essentielle dans les aménagements des villes et villages. Autrefois, les populations se retrouvaient aux abords des fontaines et points d’eau pour échanger, discuter, boire ou encore pour laver son linge. La fontaine publique, ayant perdu son usage domestique à la fin du 19ème siècle avec l’arrivée de l’eau courante, reste néanmoins un élément incontournable de notre patrimoine. Florence Schmitt réactualise ces situations pour les visiteurs en leur créant un nouvel espace propice à la discussion. L’artiste y a édifié une fontaine à socle avec vase et son bassin polygonal. Le vase devient ici le réceptacle d’un bouquet de fleurs fraîches qui tend, pendant la durée de l’exposition, à faner. Certains pétales se laissent alors porter par le courant de l’eau. Au-delà de son aspect formel, cette œuvre renvoie à l’éphémérité de notre écosystème.

Tout vient de l’eau nous invite à explorer un espace qui vacille entre le décor de théâtre et la représentation fantasmée d’une architecture qui nous est familière. Ce jeu savant avec le réel, repose sur des représentations de matériaux mêlés à l’utilisation d’éléments naturels et organiques. De cette manière, l’artiste insuffle une part de véracité dans ses œuvres, donnant de nouvelles clés de lecture de ce qui nous entoure. Pour sa première exposition personnelle, Florence Schmitt, aborde et questionne notre rapport à ces objets du quotidien au sein d’une société où nos sphères publiques et privées n’ont jamais été aussi poreuses.

Commissaire d’exposition
Émilie d’Ornano

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Née en 1993, Florence Schmitt vit et travaille à Lyon. Elle est diplômée de l’École supérieure d’art Annecy Alpes (ESAAA) en 2017 où elle a suivi une formation de Design centré sur les questions de paysage, d’intervention urbaine, d’aménagement du territoire, d’architecture et de politique. Elle est actuellement résidente aux Ateliers du Grand Large (réseau ADÉRA) à Décines-Charpieu.
Son travail a été exposé au CAUE d’Annecy, à l’ESAAA (Annecy), à Angle (Saint-Paul-Trois-Château) et plus récemment aux ateliers de Sous-Alery (Annecy) et au Château de Cerisy-la-Salle lors du colloque « L’usage des ambiances ». En parallèle de sa pratique d’atelier, Florence Schmitt a collaboré à plusieurs reprises avec le monde du théâtre dont la compagnie transdisciplinaire Jusqu’au Souffle.

Vue d’exposition © photo Lucas Zambon
Vue d’exposition © photo Lucas Zambon
Pots © photo Lucas Zambon

Ludovic Landolt – DE TINTINNABULIS

DE TINTINNABULIS

La pratique artistique de Ludovic Landolt gravite autour de l’expérience sonore. Ses œuvres se déclinent sous la forme d’installations, happenings, vidéos et performances. L’artiste s’inscrit dans une démarche sensible du temps, de l’espace et des vibrations qui nous mène vers une appréhension physique des sons.

Ludovic Landolt a conçu, pour sa première exposition personnelle, une nouvelle installation intitulée Klingelkammer. En travaillant in situ à partir du contexte acoustique du lieu, il propose de transcender l’espace d’exposition. Cette installation mobilise l’attention et nous permet de se focaliser sur la propagation des vibrations dans l’espace. Les sons amplifiés par les plaques d’acier, et plus particulièrement les basses fréquences, donnent au médium une nouvelle approche de sa matérialité. L’artiste présente également dans cette exposition l’œuvre Kugelhopfsänger. À la manière d’un objet duchampien, ce moule à kougelhopf est ici totalement dénué de sa fonction première. Retourné et installé sur un socle, il perd ici toute son utilité pour devenir un objet de résonance se rapprochant ainsi de la sonorité d’une cloche. Une série de sons, provoquée par un mécanisme magnétique contre la couronne en téflon du moule à gâteau, met en exergue ses propriétés acoustiques jusqu’alors insoupçonnées.

Cette première exposition à KOMMET est inspirée de l’ouvrage éponyme De Tintinnabulis écrit par l’italien Girolamo Maggi. Emprisonné et condamné à mort lors de l’invasion de Chypre par l’Empire ottoman, ce juge et ingénieur militaire rédigea un traité sur l’usage des cloches qui fût publié à titre posthume en 1609. L’auteur y retrace leurs origines, inventorie leurs différentes utilisations et aborde leurs procédés de fabrication. On note alors l’importance de ces objets puisque les cloches continuent, encore aujourd’hui, de rythmer la vie quotidienne. Elles offrent la capacité à rassembler socialement les individus, qu’ils soient croyants ou profanes. Dans certaines croyances, leurs tintements auraient même des pouvoirs mystiques… S’attachant à la relation des individus aux sons, Ludovic Landolt utilise ici la portée symbolique de la cloche pour créer ces deux dispositifs sonores. La pleine conscience de ces sonorités émane d’un travail minutieux de composition basé sur la fréquence de résonance, la vibration par sympathie et la réverbération.

De Tintinnabulis engage une nouvelle compréhension de l’espace et nous invite à user de nos perceptions sensorielles. Conçu sur les principes du deep listening, ce sound space permet de bousculer nos habitudes d’écoute pour appréhender différemment les oscillations sonores. Cette exposition appelle à une pause méditative imprégnée par la philosophie zen, notamment par le concept d’éveil et de compréhension dénommé satori en japonais.

« Quelle est l’essence du satori […] c’est comme percevoir le son de la grande cloche ou le tambour dans le temple au crépuscule. C’est l’état où les sons et celui qui entend ne font plus qu’un ». Taisen Deshimaru (maître zen)

Les tintements, les vibrations et les résonances sur ces différents objets métalliques, servent ici de principe de composition et de technique d’écriture poétique. Les œuvres de Ludovic Landolt, présentées dans cette exposition, nous invitent à dépasser l’écoute pour ressentir, discerner et apprécier physiquement ces sonorités.

Commissaire d’exposition
Émilie d’Ornano

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Né en 1993, Ludovic Landolt est un artiste franco-suisse travaillant entre Metz et Paris. Il a exposé au Point Commun (Annecy), à la Galerie Tiret Point Tiret (Paris), au Palais de Tokyo et a récemment présenté son travail au centre d’art le BBB (Toulouse). Il sera résident en septembre 2019 au studio garden Verrewinkel à Uccle (Bruxelles)

Ferrea lamina et Klingelkammer © photo Aude Couvercelle
Kugelhopfsänger © photo Aude Couvercelle
Performance de Ludovic Landolt © photo Aude Couvercelle