TAINTED LOVE
La pratique artistique de Bérénice Nouvel s’inscrit dans un jeu subtil d’illusions visuelles, déstabilisant volontairement la perception des spectateur·rices. Ses œuvres, qu’il s’agisse de toiles tendues, de bas-reliefs ou d’objets hybrides, étendent le langage pictural. En manipulant les matériaux mêmes de la peinture — châssis, toiles, pigments — elle explore les relations entre le faux et le réel, entre l’objet et l’image. Elle bouscule les codes traditionnels de la peinture en repoussant ses frontières habituelles. À travers des trompe-l’œil, Bérénice Nouvel s’appuie sur des motifs fictifs qui convoquent des univers variés allant de l’artisanat à la culture populaire en passant par le décor de théâtre.
À travers une série d’œuvres mêlant peinture, sculpture et installation, Bérénice Nouvel propose d’explorer à KOMMET un univers où le tangible côtoie l’illusion. L’exposition Tainted Love transforme l’espace en une scène empreinte d’onirisme et d’artifice. Dès l’extérieur, les vitrines embuées, ornées de cœurs tracés à la main, laissent entrevoir un paysage à la fois romantique et mystérieux. Pensé comme une ultime couche de peinture, le vinyle autocollant appliqué sur les vitrines suggère l’effet d’un glacis : une fine pellicule translucide qui, dans la tradition picturale, enrichit la profondeur et les nuances des couleurs tout en laissant transparaître les couches sous-jacentes.
En franchissant le seuil, une étrange sensation d’immersion s’impose, comme si la peinture murale enveloppait les visiteur·euses dans un bain de couleurs. Comme suspendu au-dessus des nuages, on a le sentiment de plonger au cœur même de la peinture, de se glisser entre des couches superposées où la lumière intensifie et sublime l’effet d’illusion.
Les œuvres de Bérénice Nouvel prennent souvent des formes ambiguës, jouant sur les échelles et les statuts. Adossé à la peinture murale, un miroir monumental aux reflets bleutés renvoie tout autant à un monochrome radical qu’à un élément de décor cartoonesque. Son cadre doré, à mi-chemin entre esthétique bourgeoise raffinée et réinterprétation kitsch, évoque les objets déco standardisés proposés par des enseignes comme BUT ou Action.
Sur le sol, une boîte peinte imitant le motif du faux bois fait office à la fois de caisse de transport et de socle pour des éditions. Les visiteur·euses sont invité·es à interagir avec cette œuvre et, s’iels le souhaitent, à repartir avec un exemplaire de Painted Love.
Bérénice Nouvel intègre l’écriture comme un médium à part entière dans son travail. Son texte accompagne cette exposition comme une déclaration d’amour — parfois ironique, parfois nostalgique — pour la peinture et ses multiples registres. À travers ses mots, elle établit un lien entre sa pratique artistique et ses expériences personnelles, mêlant des références au monde de l’art contemporain à des gestes plus quotidiens, tels que peindre les murs d’une cuisine ou réaliser des peintures publicitaires.
Le titre de cette autofiction, un jeu de mots inspiré de la célèbre chanson Tainted Love, met en avant l’ambiguïté et la richesse des significations présentes dans Painted Love. En effet, il traduit les multiples interprétations possibles, reflétant les nombreux niveaux de lecture que l’artiste tisse dans ses œuvres.
L’exposition plonge les visiteur·euses dans un environnement où chaque élément semble issu d’un rêve dont les clés de compréhension restent partiellement voilées. Les objets, volontairement factices, prennent des allures d’indices épars. Dans cet univers où l’artifice dialogue avec la poésie, chaque détail oscille entre décor, sculpture et illusion picturale. Tainted Love offre aux spectateur·ices un espace propice à la projection de leurs propres récits et interprétations.
Émilie d’Ornano
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Biographie
Née en 1997 à Saint-Étienne, Bérénice Nouvel vit et travaille à Nantes. Elle obtient un DNA à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon, qu’elle réalise en parallèle de son Master Recherche en histoire de l’art à l’Université Lyon 2. Dans ce cadre, elle rédige un mémoire intitulé Contre-courant : femmes peintres du groupe Trompe-L’œil Réalité à Lyon (1981-2003), sous la direction de Damien Delille. En 2023, elle est titulaire d’un DNSEP à l’École des Beaux-Arts Nantes. Son travail a notamment été présenté à la galerie RDV (Nantes), la Maison Salvan (Labège) ou encore au centre d’art contemporain Paradise (Nantes). Invitée par le POCTB, elle prépare un solo show prévu en 2025 à Aubigny-sur-Nère. Depuis 2020, elle est également membre de la collective d’artistes et designaires féministe “Club Mæd”. Elle est actuellement résidente aux ateliers BONUS à Nantes.





