100% TASTY
Juliette Guerin déploie un travail protéiforme qui conjugue vidéo, photographie, sculpture et installation. Dans ses œuvres, elle utilise comme matière première une multitude d’objets du quotidien issue de la culture populaire. En s’inspirant des codes de la publicité, des réseaux sociaux ou des tutoriels en ligne sur YouTube, elle élabore des mises en scène à la fois étranges et comiques. En 2018, elle réalise notamment une vidéo pour le prix Linossier où des chirurgiens tentent de recréer un gigantesque steak à partir de protéines en poudre pour sportifs. Depuis, elle continue d’explorer les thématiques de l’alimentation industrielle et de l’influence de la publicité sur nos désirs et nos perceptions.
Pour sa première exposition personnelle, Juliette Guerin dévoile sa vaste collection de près de 200 sachets de bonbons et de poudres alimentaires. Depuis 2019, elle glane d’étonnantes friandises, caramels, poudres, épices et sucettes de toutes sortes. Le titre 100% Tasty est lui-même emprunté à un bonbon en forme de hamburger miniature. La notion de collection revêt une importance particulière dans sa pratique artistique. Avant de se tourner vers les bonbons et les poudres, elle collectait des images sur internet, classées selon des catégories évocatrices de notre société consumériste : corps, machines, nourriture. Au-delà de son lien avec l’enfance, elle évoque l’accumulation, les manques et les obsessions absurdes.
Une partie de sa collection est présentée sous forme de photographies et de vidéos sur les murs du centre d’art, tandis que l’intégralité est accessible aux visiteur•ices via une édition mise à leur disposition. La multiplicité de ces images offre une critique aussi stimulante que malaisante de la marchandisation, du capitalisme et de la mondialisation.
Les photographies accrochées au mur reflètent l’esthétique d’une machine à sous, où l’on tente d’aligner des symboles identiques pour gagner le jackpot. Juliette Guerin présente ces objets dans toute leur ambiguïté, questionnant les mécanismes de désir et de dégoût induits par le marketing publicitaire. Ces images oscillent entre la séduction visuelle des emballages et la réalité parfois dérangeante de leur contenu. On observe sur ces images des représentations de billets de banque, oreille, jerrican d’essence, autant d’objets et parties du corps rarement associés à des recettes de cuisine.
Dans son installation vidéo, les bonbons et les poudres alimentaires deviennent les symboles d’un univers dystopique, où la frontière entre ce qui semble attrayant et la réalité dérangeante devient floue. Les spectateur•ices, initialement confronté•es à ce qui semble être une simple démonstration de recette, sont rapidement plongé•es dans une ambiance de film de science-fiction, évoquant l’esthétique étrange et perturbante du cinéaste David Cronenberg.
En explorant la frontière entre réalité et fiction, Juliette Guerin s’approprie les codes de la publicité, des tutoriels en ligne et des vidéos d’unboxing pour mieux les détourner. À travers ces stratagèmes, elle révèle l’absurdité inhérente aux discours commerciaux et aux représentations idéalisées de la consommation. En questionnant notre culture populaire, cette exposition nous plonge dans un univers à la fois savoureux, grinçant et satirique, suscitant à la fois plaisir gustatif et dégoût, où chaque œuvre invite à une réflexion sur les artifices visuels et les techniques de manipulation utilisé•es pour provoquer le désir chez les spectateur•ices.
Émilie d’Ornano
En collaboration avec Studio H13
_
Biographie
Née en 1992, Juliette Guerin vit et travaille à Marseille. Elle est diplômée de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon en 2018. En 2019, elle participe à la création de l’association Panthera, collectif et ateliers d’artistes à Marseille. En 2020, elle obtient un certificat de formation de plasticienne intervenante (CFPI) à École supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée et développe un travail de transmission et d’œuvres collectives. Son travail a notamment été présenté au Musée d’art contemporain de Lyon, à la Friche la Belle de Mai à Marseille, à Zebra3 à Bordeaux ou encore à festival Éclats à Bruxelles.