Cette exposition est soutenue dans le cadre du fonds PERSPEKTIVE pour l’art contemporain & l’architecture, une initiative du Bureau des arts visuels de l’Institut français d’Allemagne. Soutenu par le ministère de la Culture, l’Institut français de Paris
et le Goethe Institut.
le geste du commun
Pour leur seconde collaboration, le centre d’art KOMMET et la résidence nomade an· other here présentent à Lyon l’exposition collective le geste du commun. À l’issue d’une résidence croisée entre la France et l’Allemagne, les artistes Pierre Boggio, Julie Escoffier et Gisèle Gonon dévoilent le résultat de leurs recherches menées à Berlin et dans le village drômois de Montbrun-les-Bains. Cette exposition rassemble des oeuvres qui explorent la notion de communauté à travers nos liens aux récits, aux territoires et aux dynamiques collectives.
À la croisée du folklore, de l’oralité et des rituels collectifs, Pierre Boggio étudie les formes de transmission visibles et invisibles. Son installation convoque à la fois héritage familial, traditions culinaires et mythologies locales. Il revisite des figures légendaires sous forme de marmites, représentant la Tarasque, l’Ondine et l’Orcolat. Ces créatures, issues de récits populaires, incarnent des forces telluriques, des métamorphoses et des mythes de protection ou de menace, réactivant ainsi une mémoire collective.
Au cœur de ce travail, un livre de cuisine se construit, où chaque élément devient le témoin d’un patrimoine culinaire, nourri par les histoires et les expérimentations de celles et ceux qui les perpétuent. Durant l’exposition, les visiteur·euse·s sont invité·e·s à siroter un breuvage et à transmettre à l’écrit des anecdotes associées à la cuisine. Par ce moment convivial, son installation rappelle la manière dont les savoirs se diffusent notamment par la parole, le partage d’un repas ou la répétition d’un geste ancestral. En échange, l’artiste donne l’opportunité de composer un livret à partir des recettes qu’il met à disposition. Chaque feuille mobile se distingue par le choix d’une typographie propre et d’une illustration provenant de ses archives iconographiques, conférant à la recette une forme de personnification mystique. En ravivant ces modes de transmission à la fois personnels et universels, Pierre Boggio interroge la manière dont la cuisine structure nos liens sociaux, forge notre rapport au territoire et cultive un langage commun. Gisèle Gonon explore la campagne dans ses réalités agricoles et ses dimensions affectives. Son travail s’articule à partir de matériaux communs, enraciné dans une narration intime de la ruralité.
Pour son installation à KOMMET, Gisèle Gonon puise dans son histoire personnelle, évoquant une vie paysanne et des vies queer en milieu rural. Inspirée par l’héritage médiéval de Montbrun-les-Bains, elle réinterprète l’étendard traditionnel, symbole de ralliement et d’identité collective, pour y dresser les luttes de la communauté LGBTQIA+ sur une bâche de protection. Cette dernière est ornée de motifs de lavande, une plante à la couleur violette emblématique à la fois de la Drôme provençale et de la communauté queer. Gisèle Gonon y intègre la clé de tirant, élément servant à consolider la structure d’une bâtisse, qui devient ici métaphore de résistances et des liens d’une communauté à préserver. Ce motif se prolonge dans les fleurons, dont la conception s’inspire également de l’esthétique de l’Echinops ritro, fleur hermaphrodite communément appelée
« oursin bleu » que l’on retrouve aux abords de la résidence.
La bande sonore qui accompagne cet étendard, donne voix à celles et ceux qui projettent de nouvelles narrations à la campagne, inscrivant ainsi ces témoignages dans un paysage pouvant être perçu comme inhospitalier. À travers cette oeuvre, Gisèle Gonon affirme la possibilité d’une identité queer en milieu rural, ouvrant un espace où iels peuvent s’y épanouir.
Julie Escoffier examine les propriétés des matériaux et leurs symboliques ancestrales. Disposée au sol, son installation interroge l’action du temps sur la matière et la manière dont celle-ci est perçue, manipulée et activée. L’oeuvre prend la forme d’un foyer lumineux où des artefacts en colophane, une résine de pin translucide, sont reliés à un dispositif sonore. Sensible à la chaleur, ce matériau fragile révèle ici une dimension tactile et vibratoire. Ses formes évoquent les « pierres de sorcières », des roches naturellement perforées par l’érosion de l’eau, auxquelles on attribue des vertus protectrices. Des capteurs piézoélectriques enregistrent les vibrations du matériau au contact des visiteur·euse·s, générant une partition sonore évolutive et imprévisible. L’installation repose ainsi sur l’interaction et l’activation, proposant un rituel intuitif et silencieux. Cette expérience non verbale engage le corps et souligne notre rapport à un monde vulnérable, appelant à une attention mesurée et délicate.
En écho aux recherches de l’anthropologue britannique Tim Ingold, il règne une interdépendance entre l’organisme et son environnement. L’œuvre de Julie Escoffier illustre cette vision relationnelle du monde, où les êtres et les matières ne sont jamais isolés mais toujours pris dans un réseau d’influences et de transformations mutuelles.
Pierre Boggio, Julie Escoffier et Gisèle Gonon interrogent des actes qui valorisent nos liens, prolongent les résistances et accompagnent les transformations en cours. Chacune de ces installations invite à une expérience partagée, où le geste – qu’il soit culinaire, symbolique ou tactile – devient un outil de réappropriation et de résonance collective. Dans un monde marqué par des tensions et des mutations profondes, ces artistes ébauchent des micro-territoires relationnels où les récits se construisent au fil des interactions. Ainsi, le geste du commun ne se limite pas à une seule réflexion sur la communauté : il en active les mécanismes, réaffirmant l’importance des liens qui nous relient aux autres, aux espaces et à notre environnement.
Émilie d’Ornano et Livia Tarsia in Curia
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Biographies
Pierre Boggio vit et travaille à Lyon.
Diplômé d’un DNSEP en design graphique à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon et du Post-diplôme kaolin à l’École Nationale Supérieur d’art de Limoges, son travail a notamment été exposé à l’Espace Les Barreaux (Paris), au Centre International d’Art et du Paysage de Vassivière, La Bonbonnière (Les Roches de Condrieu), à l’Attrape-couleurs (Lyon), ou encore en 2024 au project space WIRWIR pendant qu’il effectue une résidence avec an· other here (Berlin). En 2022, il cofonde P.B. City, un projet curatorial et artistique à l’origine d’expositions à l’Atelier LaMezz (Pierre-Bénite) et dans plusieurs espaces lyonnais tels que Monopôle, La Factatory, le Réfectoire des Nonnes et la BF15.
Julie Escoffier vit et travaille à Lyon. Diplômée d’un DNSEP de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon en 2013, elle complète sa formation au post-diplôme de l’E.N.P.E.G « La Esmeralda » à Mexico. Son travail a été présenté en France et à l’international, notamment à Festival Mouvement d’art (La Teste-de-Buche), à Kashagan (Lyon), à Untitled Art (Miami), à ALMANAQUE fotográfica (Mexico), à Efrain Lopez Gallery (Chicago) et à la Galerie Les Territoires (Montréal). Parallèlement, elle prend part à plusieurs résidences artistiques, dont CASA WABI (Puerto Escondido, Oax.) en 2017, Le Centre International d’Art et du Paysage de l’île de Vassivière (Beaumont-du-Lac) en 2021 et an· other here (Berlin) en 2024.
Gisèle Gonon vit et travaille à Berlin. Diplômée d’un DNSEP de l’École Supérieure d’Art et Design de Saint-Étienne en 2005, elle intègre en 2018 le programme de formation postuniversitaire Goldrausch à Berlin. Son travail a été présenté dans divers musées et lieux d’exposition à travers l’Europe, notamment au KINDL (Berlin), à l’EKKM Contemporary Art Museum (Tallinn), à la Bundeskunsthalle (Bonn), à gr_und (Berlin), à la Leipziger Baumwollspinnerei (Leipzig) et lors du Week-end de l’art contemporain (Bordeaux). Elle participe à plusieurs résidences artistiques, parmi lesquelles La Factatory (Lyon) et Tallinn Art Hall (Tallinn) en 2021 et également avec an· other here (Montbrun-les-Bains) en 2024.

Vue d’installation, 2025
Conception et réalisation table : Margaux Auria
Crédits : Lucas Zambon

Lune & Ouroboros, 2025
Grès blanc, engobe, émail, lustre
28 × 28 × 15 cm
Crédits : Lucas Zambon

Crédits : Lucas Zambon

Dissidences des Champs, 2025
Installation : Bâche de protection argentée et noire brodée à la machine à coudre mécanique et cousue à la main, fils de couleur rose, jaune, violet et noir
Tubes en acier gravés à la main s’inspirant de la fonte Robert·e d’Eugénie Bidaut de la collective de création typo·graphique Bye Bye Binary.
Sculptures en fer forgé patinées à la cire d’abeille, réalisées en collaboration avec Lucas Poutout.
240 × 200 × 260 cm
Son : Texte en français, boucle audio 06’04’’
Performeuses : Colette Angeli, Nico Maria Moscatelli, Gisèle Gonon. Avec la contribution des personnes de la communauté LGBTQIA+ qui ont participé aux évènements « Café-Gâteau Queer » pendant le temps de résidence artistique dans la Drôme provençale à l’automne 2024.
Ce texte prend ces racines de ces ateliers d’écriture et de lecture collective ainsi que du point de vue situé de l’artiste en tant que lesbienne queer.
Mixage son : Ὀρφεύς

Sculpture en fer forgée patinée à la cire d’abeille, réalisée en collaboration avec Lucas Poutout.
Crédits photos : Lucas Zambon

Sculpture en fer forgée patinée à la cire d’abeille, réalisée en collaboration avec Lucas Poutout.
Crédits photos : Lucas Zambon

Crédits : Lucas Zambon

Crédits : Lucas Zambon

Crédits : Lucas Zambon
